Un jour, un type que j'admire, pris à parti par un quelconque journaleux rétorqua « Toute vérité est bonne à dire »… Son interlocuteur resta cois submergé probablement par un flot d’idées contradictoires… A moins qu’il ne fut pris par un brutal accès de mutisme furiopathique !
Car notre imprécateur gauchiste faisait peur et il irritait. Et la petite nomenclature rolex « dans le vent » s’agacait, s’énervait toute engoncée dans de coûteux costumes carton-pâte étranglée par ses cravates. Mais, lui au moins, s’en tenait à ses préceptes !
Quelque temps auparavant un gus portant fraise, culotte et jabot, un certain Montaigne, avait dit : « Le premier trait de la corruption des mœurs c’est le bannissement de la vérité » avant de s’enfiler un verre de Bordeaux millésimé… C’était un philosophe à ce qu’on m’a dit….
Moi comme ça me tracasse, que ça ne mange pas de pain et que mon blog, de toutes façon n’est lu, au dessus de mon épaule, que par mon chien et mes passagères maîtresses, j’m’en va vous faire part - quidam inconnu égaré ici - de ce que j’en pense moi de la nécessité de toucher au plus près et à chaque instant à cette fameuse vérité… En gus simple… sans médaille et sans tralala !
Rien ne vaut une petite anecdote pour introduire le sujet !
Il y quelques temps une tempête s’était levée entre mon amie et moi… Le vent qui soufflait dur, portait des mots difficiles à entendre car teintés de cette douloureuse couleur : la vérité. La sienne. La mienne.
Un appel fortuit d’un copain me permit de relater mes déboires amoureux… Nous discutâmes une bonne partie de la nuit faisant chauffer à blanc mon forfait téléphonique… Il me disait « Tu as tort de lui avoir parlé franchement (…) il faut savoir cacher certaines choses aux femmes (…) laisse la mariner un peu. Tu verras elle te reviendra encore plus amoureuse » .
Me campant dans mon quant à moi je ne dérogeais pas à ma ligne de conduite : « je continuerai de dire la vérité toute la vérité, Maet et Apollon étant mes deux Dieux préférés ». Je sentais que lui aussi finissait par s’irriter… Les gens sont susceptibles aujourd’hui !
A cinq heure du matin ma décision fut prise en bel âne psychorigide : point ne changerait de stratégie…
Aux amertumes de la dispute succéda, comme il se doit, le miel de la réconciliation…
Lors, en parlant de la longue discussion que j’avais eu avec C. mon copain, ma tendre me tint à peu près ce langage : « Ah! Monsieur mon chéri que vous êtes gentil ! Mais écoutez au moins ce qu’on vous dit. La Vérité n’étalez point à l’envie ! ». Etant assis mon séant ne se blessa par chance! Moi qui pensais qu’amour imposât que rien l’on ne se cachasse !
Nous tînment encore une petite semaine en d’affolantes étreintes…
Et mon pote me téléphona… de moins en moins souvent !
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Mais le ver était dans la pomme, un insidieux questionnement me tourmentait! La vérité ainsi devrait aux êtres que l’on aime être cachée...
Peut on mentir tout en conservant une éthique irréprochable ?
Ayant beaucoup de temps libre à consacrer à la reflexion oiseuse et oisive j'écoutais poindre la pillosité du philosophe à la vitesse grand « V » !
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Je ne m’attarderai pas sur les évidences !
Doit-on péremptoirement asséner une mort proche à un parent ou à une personne que l’on aime ?
Doit-on dire à une dame tout de go qu’elle a un air chafouin et que ses muscles fessiers s’effondrent en avalanche ? Doit on faire allusion, face à tel potentat local, aux émanations insistantes s’échappant de ses Cerruti ?
Que non point ! Ici le silence est de rigueur !
Et si le questionnement devient trop insistant il faut alors user de ce que je désignerai ici sous le vocable de « mensonge de courtoisie ». Car il peut être utile, pour ne pas blesser inutilement, de parer d’atours gracieux une abrupte vérité…
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Le dire « vrai » prend plus de sens lorsqu’il est dégagé de la contingence courtoise précédemment décrite…
Autrement dit lorsqu’il ne s’agit que de mettre en rapport des forces équilibrées qui ne permettent pas d’inférer de quel côté tombera le couperet de l’acquiescement moral…
Trois éléments sont encore mis en relation :
- Le connaissant.
- L’ignorant.
- La chose (que l’un connaît et que l’autre ignore)
Que l’ignorant pose ou non des questions, le connaissant se trouve face à lui dans la simple alternative : être scrupuleusement honnête ou mentir.
L’ordre moral dirait « être honnête ou malhonnête »…
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Evidemment la vérité n’a d’importance qu’en proportion de l’implication des protagonistes et des conséquences de dire « la chose ».
Si je mens en disant qu’il a fait beau ce matin dans mon patelin à une personne se trouvant dans une région où il a réellement fait mauvais, ce peut être dans l’intention de le rendre jaloux ou bien de l’inciter à venir profiter du beau climat d’ici…
Mais cela n’a, à priori, pas une très grande importance pour les protagonistes (sauf si l’un d’eux est fabriquant de parapluie !)
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Il en est tout autrement si la parole porte sur une tromperie, un méfait ou tout autre acte pouvant relever d’un jugement social.
Le problème éthique de la révélation ne se situe évidemment pas dans les trois éléments-objets indiqués plus haut mais bien dans l’implication sociale, les conséquences qui résultent de la révélation d’une vérité.
Mais là je sens mon discours fléchir dans le conventionnel d’une petite dissertation…...................................................
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Aussi m’empresserai-je de ne pas développer les situations exemples que l’on trouve plus où moins dans les corrigés sur le net développés.
Je les listerai néanmoins car elles illustrent la réflexion kitch, donc bourgeoise concernant le binôme vérité-mensonge.
- un enfant face à ses parents
- un élève face au professeur
- deux amis l'un en face de l'autre
- un médecin face à son patient
- une femme face à son mari
J’en ajouterai quelques autres qui sont plus riches d’enseignement …
- un chef d’état face à ses électeurs
- un accusé face à son juge
- Eric Woerth face à Médiapart
- Eric Besson face à la gauche
- Le gouvernement Fillon face aux jeunes générations
- Les gros industriels face à la planète…
- Etc…etc…
Ces derniers sujets impliquent, obligent, des faits vérifiés.
Et la révélation des manigances doit être faite sans masque, sans dissimulation car il en va du respect des citoyens…
Le mensonge avéré dans des situations impliquant les rouages de l’état, dans le but de servir des puissances d’argent ou des coteries de notables, est d’une dégueulasserie insondable car il met en cause la plus grande idée que l’humanité ait produite : l’idée de Démocratie !
Et les puissants se livrant à ce genre de coup bas, sciemment et idéologique devraient immédiatement être destitués après que leurs méfaits aient été prouvés !
Mais la notion de démocratie est une idée bien évanescente dans les têtes formatées par les jeux abrutissants, le foot et ses relents nauséabonds, les séries débiles ou gnangnans, les informations tronquées, la musique stéréotypée des médias autorisés !
La vérité se dissimule derrière les enjeux archaïques et reptiliens…
Les rouages du libéralisme sont-ils aussi modernes que nous le promettent nos responsables sautillants et verbeux ? « Donnez leur du pain et des jeux » disait il y plus de deux mille ans le grand Jules !
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Nous désirons tous connaître la vérité. Tout au moins si nous sommes lucide. Mais la vérité relève du formel (cohérence du discours) et du matériel (la conformité avec le réel). Et les deux sont intimement liés, quand on est sincère, honnête, et que le mensonge nous fait horreur.
Face à face, lorsque l’on se parle, le respect pour la vérité est inséparable du respect pour autrui.
Mais dire toujours la vérité, ou dire toute la vérité, est-ce la même chose ?
Et quelle va être la priorité de mon devoir : la vérité absolue et sans condition, le bien et l’intérêt d’autrui, ou les deux réunis ?
Disons le tout net : la vérité n’est pas absolue !
Personne n’est au fait complètement d’un sujet. Le savoir comporte des lacunes.
Qui plus est la vérité ne peut être envisagée sans un savoir faillible. Car ce sont les erreurs, les lacunes comblées qui le (la) font progresser et l’alimentent…
En conséquence dire la vérité (sincérité) et être dans le vrai restent deux choses différentes. L’honnêteté consiste précisément à reconnaître que la vérité, on ne la connaît jamais toute !
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C’est ici qu’il ne faut pas tomber dans un piège…
On entend souvent : « A chacun sa vérité » ou l’on cite aussi Montaigne : "Quelle vérité que ces montagnes bornent, qui est mensonge au monde qui se tient au-delà? repris par Pascal: "Vérité en deçà des Pyrénées, mensonge au delà".
Ainsi la vérité serait relative car essentiellement subjective, propre à chacun. L’important ne serait pas la conformité des paroles avec la réalité, mais le sens de ce que l’on affirme.
Et c’est là que le traitement idéologique du savoir et souligné d’une lumière crue.
Pour moi, l’idée de vérité est intangible et les mots se doivent de s’y attacher au plus près. Qu’importe les motivations d’un voleur. Si le vol a eut lieu, il est avéré. Le dire doit coller au plus près avec le fait ! Celui qui cherche le sens plus l’exactitude ne ment pas ! Et si son approche est personnelle elle reste intimement liée à la vérité.
Alors Montaigne et Pascal ? Le contexte est très simple. Ces deux magnifiques auteurs utilisent le mot « vérité » dans les sens de « mode » ou « coutume »…
Rien à voir avec la notion moderne de vérité intimement liée à celui de réel… Réel qui reste néanmoins, comme il a été dit plus haut, un concept incomplet car lié à l’évolution des sciences, du savoir, des connaissances.
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Pire encore ! Les avez-vous entendu affirmer : « On ne peut pas séparer le devoir de l’intérêt, sauf à sombrer dans une morale stérile et punitive ». Devoir. Intérêt. Tout est dit !
Nietzsche a soutenu que on ne dit jamais la vérité par respect pour la vérité, mais par intérêt et par commodité car mentir serait plus compliqué que de dire la vérité.
Outre le fait que cette affirmation n’est pas vérifiée – le mensonge est tellement « naturel » lorsqu’il s’y mêle de l’intérêt, on ne niera pas qu’il s’agisse d’un discours cynique, provocant et méprisant…
Du Nietzsche, quoi !
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Pour en revenir à la sphère privée et à l’anecdote du début de mon texte, le « Tu as tort de lui avoir parlé franchement (…) il faut savoir cacher certaines choses aux femmes » de mon copain C m’invite pousser plus avant sur les motivations qui sous-tendent une telle affirmation…
Je pense qu’il faut tout dire, être le plus honnête possible, avec les personnes que l’on aime. A l’exception évidemment des utiles mensonges de courtoisie décrits plus hauts.
Mentir à une compagne, à un ami c’est trahir sa confiance et la notion même d’amour et d’amitié…
En fait je crois que la raison qui justifie ces mensonges réside dans le simple fait qu’on craigne, que l’on découvre nos propres mensonges, nos propres turpitudes…
Dire que l’on peut mentir à ses proches, c’est se permettre d’agir en cachette aux dépens de la personne qui nous aime et à qui l’on ment !
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Nous faisons tous des erreurs. Nous sommes tous imparfaits. Mais le mensonge, qui demande une approche consciente de la vérité, est la faute la plus impardonnable dans une relation domestique…
Il justifie la tromperie, la médisance, la trahison !
Tout comme l’omission, le fait de taire une vérité dans la sphère privée…
Toute vérité est bonne à dire dans le privé. Mais il faut le faire de façon sensible, réfléchie et discrète… Ne pas heurter et blesser. Choisir le bon moment, présenter une vérité par paliers est une conduite éthique et respectueuse d’autrui. L’honnêteté n’est pas synonyme d’intransigeance, mais un mélange de sincérité (vis-à-vis de soi-même), de générosité (vis-à-vis d’autrui) et d’exactitude (vis-à-vis des faits).
Evidemment dans la société il arrive que l’on soit obligé d’occulter ou d’omettre une vérité lorsque celle-ci peut se transformer en trahison… Ainsi des confidences faites à un proche et divulguées en public… Ou encore lorsque que l’on a à protéger des résistants luttant contre la tyrannie…
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Il faut donc s’efforcer d’être à tout moment dans ses propos le plus proche possible de la vérité et il est contradictoire de renier ce principe !
Car c’est sur le vrai que se bâtit la loi…
Et mentir revient à nier la loi!