Critique de "QUE LA BETE MEURE" de Claude Chabrol, film sorti en 1969
"Que la bête meure" est l’un de mes dix films préférés.
Il a la profondeur d'une tragédie antique.
Et il est palpitant comme un très bon thriller!
Chabrol nous offre une œuvre noire, éprouvante, réactualisant le mythe d'Œdipe.
C'est un chef d'œuvre de bout en bout!
Car au travers d’une histoire particulière, dessinée très précisément, il nous montre la frilosité d’une bourgeoisie terne et triste…
Petite société étriquée et recluse…
Le monstre incarné par Jean Yanne, nous le croisons tous les jours avec son arrogance, son inculture et sa haine…
La « bête » se réjouit lorsqu’elle étouffe la créativité…
Elle qui est impuissante !
Elle se moque du poète et pointe le sage…
Elle utilise sa puissance pour écraser le faible…
Elle tue l’innocence et méprise le simple…
Regardez, regardez autour de vous, ces milliers d’individus écrasés par les grosses bottes de la prétention et de la jalousie…
Individualisme !
Regardez ces rires fous qui redoublent parce qu’ils ne comprennent rien de la douceur, de la tendresse…
Le fort et le puissant sont presque toujours indifférents aux petits et aux humbles !
Individualisme !
Regardez ces destins anéantis sous les coups redoublés des crapauds de la haine, ces études interrompues, ces musiciens devenus silencieux, ces écrivains morts-nés, ces artistes auxquels les envieux arrachent leurs outils, ces chercheurs dépouillés de leurs travail…
Individualisme !
Oui, il faut que la bête meure…
Il faut l'anéantir...
Mais, c’est d’abord en chacun de nous qu’il faut la débusquer !
Pour permettre le pardon, le partage et l’amour !
« Car le sort des fils de l'homme et celui de la bête sont pour eux un même sort ;
comme meurt l'un, ainsi meurt l'autre, ils ont tous un même souffle,
et la supériorité de l'homme sur la bête est nulle ;
car tout est vanité ! »…
L’homme et la bête sont soumis au même sort !
Lisez et relisez le chant lyrique et désespéré de L'écclésiaste…
Lisez ensuite le Cantique des Cantiques… pour aimer!
Œuvres immémoriales, universelles !
Écoutez la belle voix de Kathleen Ferrier interprétant Brahms et Malher !
Regardez le grand film troublant de Chabrol, « Que la bête meure» !